Tant que quelque chose peut-être sauvé…

2 mars 2323, une date parmi tant d’autres, mais pour mes amis et moi ce fût une date charnière.

Notre petite communauté d’affranchis avait réussi à ne pas trop attiré l’attention des grandes oreilles de Sys-t’aime. Appellation officielle, depuis 2233, du système quasi planétaire, né de la fusion des gouvernements. Trois siècles auparavant il aurait sans doute été rebaptisé « Big Brother ».

Nous sommes des affranchis du coo-travail, comme nous aimons nous appeler. Pendant quelques années notre groupe de quelques familles semblait avoir été toléré. Nous nous étions enfuis du système auquel nous n’arrivions pas à nous assimiler. De son côté, Sys-t’aime n’avait jamais trouvé la place idéal que nous aurions pu occuper. Même si l’essence de son existence n’avait été autre que d’occuper les oisifs depuis la loi du chômage 0%. Le coo-travail, c’est le travail en coopération homme-machine, mais selon nous, la machine a pris l’ascendant depuis bien longtemps. L’addiction de nos ancêtres à leur smartphone fût sans doute la première étape de cet état de fait.

Nous nous étions retrouvés quelques familles, dans ce village en ruine du 21ème siècle, abandonné par ses habitants lors de l’éxode rural. Ignoré du plan d’automatisation agricole, la nature y était devenue luxuriante, et sa bonne terre nous avait permit de vivre en autarcie. Notre approche du coo-travail étant évidement très négative nous avions re-bricolé certains des robots hors service de Sys-t’aime pour en faire des outils et rien de plus : l’homme, nous, étions maître du village.

Nous aurions du faire attention, être plus réservés, ne pas nous conduire en homme libres, mais en affranchis… En deux ans notre nombre avait doublé, d’autres hère nous avaient rejoint, redevenant homme en fuyant les machines et en redécouvrant la terre.

Quand nous furent fort de 100 âmes, Sys-t’aime nous dépêcha un lot de robots pour le coo-travail. Nous n’étions pourtant pas désœuvrés, mais nous produisions et consommions seulement ce dont nous avions besoin. Nous avons renvoyé (doux euphémisme) les robots. Mais nous savions que les choses allaient mal tourner. Ayant la certitudes que quand les machines reviendraient, ce serait pour nous chercher. Nous avons construit des montgolfières.

Ce matin du 2 mars 2323, à l’aube, les robots que Sys-t’aime a envoyé ont bombardé notre village au gaz innervant, nous nous sommes envolés, du moins ceux chanceux qui ont pu atteindre les nacelles. Du ciel nous retrouverons un nouveau village, et nous recommencerons… Tant que quelque chose peut-être sauvé…


 

Voici ma participation à l’Atelier d’écriture 302 de Bricabook.

A propos manuraanana

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18 commentaires pour Tant que quelque chose peut-être sauvé…

  1. Elle fait peur cette vision du futur…

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  2. Amor-Fati dit :

    Brrrrr
    Pas engageant ton futur….

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  3. pierforest dit :

    Si notre planète se rend jusque là, il y a en effet de bonnes chances qu’on soit dirigé par une intelligence artificielle qui assurera son contrôle avec des machines. Bien écrit. Bravo!

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  4. Claude dit :

    J’ai été très impressionné par ce texte. Bravo. Il y a là aussi un souffle, un peu apocalyptique certes, mais qui saisit le lecteur que je suis. C’est très bien écrit.

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  5. Nady dit :

    L’expo Artistes & Robots au Grand Palais devrait te plaire. J’y ai ressenti un peu l’âme de l’expo dans ton texte très réussi !

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  6. Valérie dit :

    Un futur qui pourrait bien ėtre le notre…enfin on n’y sera plus et ce n’est pas pour me déplaire…je crois que j’en aurai vu assez…

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    • manuraanana dit :

      Bonjour Valérie, les révolutions, les dictatures sont mises en place par l’absence de réaction du plus grand nombre. C’est tout un chacun qui laisse l’avenir se mettre en place, c’est à chacun d’entre nous de s’y opposer…

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  7. janickmm dit :

    Loin de nous les robots, alors ! c’est glaçant ce futur.

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  8. Leiloona dit :

    Le recours à une ère post apocalyptique a été pas mal utilisé cette semaine, marrant cet angle de vue !

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